electrosmogLa constante augmentation de la pollution électromagnétique (électrosmog) dans notre environnement inquiète nombre de personnes. Néanmoins, les instances officielles maintiennent un discours rassurant contre toute évidence. En effet, les recherches frauduleuses sèment le doute sur la toxicité de l'électrosmog, et ceci depuis plus d'un demi-siècle. Article paru dans Moins! n°6, juillet 2013

 

En 1932 déjà, les médecins ont associé le "microwave sickness" (syndrome de micro-ondes) à des effets biologiques causés par la pollution électromagnétique. Les symptômes retenus étaient une fatigue intense, un sommeil agité, des maux de tête, une irritabilité et une forte diminution du système immunitaire. Les effets biologiques se distinguent des effets thermiques qui sont le résultat d'un échauffement des tissus par absorption de l'énergie. L'apparence de cataracte chez de jeunes opérateurs de radar après la dernière guerre mondiale est un exemple d'effet thermique (échauffement de la cristalline).

Dans les années 50, les premières normes de sécurité concernant les rayonnements électromagnétiques ont été établies. Elles étaient basées sur les effets thermiques qui apparaissent à des niveaux de rayonnement relativement élevés. En ignorant les effets biologiques, les gouvernements et l'industrie ont ainsi pu échapper à leur responsabilité envers les soldats blessés et les travailleurs industriels des années de guerre. Ils ont pu ainsi économiser des millions de dollars en frais de compensation et se protéger contre d'éventuelles revendications juridiques.

Néanmoins, les recherches sur les effets biologiques se sont poursuivies et ont été scrupuleusement documentées par le Dr Zory R. Glaser qui travaillait sous mandat de la marine américaine. En 1971, ce dernier avait recensé 2'300 références sur les effets biologiques des radiofréquences et micro-ondes à partir de diverses technologies, y compris le radar et les communications mobiles. Le Dr Glaser est encore en vie aujourd'hui et ses archives comptant quelques 6'000 références appartiennent désormais au domaine public.

Cependant, malgré l'évidence des effets biologiques sur l'être vivant, les normes de sécurité sont aujourd'hui encore et toujours basées uniquement sur les effets thermiques. Ces normes sont définies par la Commission Internationale pour la Protection contre les Rayonnements Non Ionisants (ICNIRP). Cette dernière, fortement sous l'emprise des intérêts économiques, maintient, contre toute évidence, qu'il n'existe pas de lien de causalité entre l'électrosmog et les problèmes de santé.

Cette situation obscure s'explique par les nombreuses recherches frauduleuses dont le seul but est de semer la confusion en rendant une évaluation des risques difficile. La meilleure façon d'éviter des mesures contraignantes est en effet d'injecter des doutes quant à la validité des données qui dérangent les intérêts de l'industrie. En décembre 2009, un chercheur italien a analysé 1'056 articles publiés dans des revues scientifiques. De ces études, 44% ont démontré des résultats négatifs (aucun effet biologique). Dans ces dernières, 93% étaient financées par des sources privées. En revanche, les 56% des articles ayant démontré un effet biologique étaient financés à 95% par des sources gouvernementales.

Les acteurs de l'industrie du sans fil sont engagés dans une telle compétition que nul ne peut renoncer unilatéralement à ces pratiques de désinformation sans se fragiliser économiquement. En revanche, les organismes internationaux comme l'OMS et l'ICNIRP peuvent exiger des normes de protection beaucoup plus strictes et mettre tous les acteurs sur un même niveau de concurrence. Les ingénieurs sont capables de développer des antennes adaptées aux normes beaucoup plus strictes. Techniquement, la transmission sans fil de la voix et d'autres applications à débit modéré est déjà possible avec un niveau de 1/10'000 de la puissance autorisée actuellement. Par contre, l'introduction de normes plus strictes nécessiterait de nouveaux développement de technologie à faible rayonnement pour des applications à haut débit.

En ce qui concerne notre pays, la Suisse prétend, à tort, qu'elle applique le principe de précaution en ayant des normes dix fois plus strictes pour les LUS (lieux à utilisation sensible). Malheureusement, l'espace public est largement exclu des LUS. Par conséquent, les normes suisses ne diffèrent guère des normes internationales. Il est difficile de déterminer le nombre de personnes, en Suisse, dont la santé est déjà affectée par l'électrosmog. Des études suisses de 2003 estiment que 5 % de notre population est atteinte par une intolérance électromagnétique. Ceci est certainement une sous-estimation parce que, contrairement aux médecins autrichiens, les médecins suisses n'ont pas encore élaboré de diagnostique reconnaissant ces troubles.

Actuellement, les technologies du sans fil connaissent un développement fulgurant. Le jour où les problèmes sanitaires deviendront incontournables, les responsabilités juridiques pour des lésions corporelles devront être établies. Il va de soi que les dirigeants de l'industrie seront les premiers coupables de par le fait qu'ils mettent des produits nocifs sur le marché. La science participe au problème en publiant des avertissements qui malheureusement restent cantonnés dans des rubriques scientifiques, que personne ne lit. Finalement nous, les citoyens, sommes aussi responsables. Comme l'a écrit l'économiste australien Clive Hamilton : "Les gens achètent des choses dont ils n'ont pas besoin, avec de l'argent qu'ils n'ont pas, pour impressionner des gens qu'ils n'aiment pas".

Plus on attend, plus la question des responsabilités sera difficile à résoudre, que ce soit sur un plan économique ou moral. Les organisations internationales et les gouvernements sont certes les mieux placés pour nous sortir de cet engrenage. Espérons que nos politiciens en prennent conscience et qu'un revirement de la situation soit rapide, avec un minimum de souffrance humaine.

Auteur: Anton Fernhout Association Romande Alerte

Illustration: Drysimplex d'après Raymond Savignac