Cell face0Photo: André FauteuxLe gouvernement Obama jongle avec une patate très chaude cette semaine. C’est qu’une étude de son Programme national de toxicologie (NTP) aurait révélé que les radiations du téléphone cellulaire augmentent le taux du cancer chez les rats. Article d'André Fauteux (adapté de Microwave News) publié sur le site de La Maison du 21e siècle, le 26 mai 2016.

Ses auteurs auraient recommandé que Washington en informe le public car les risques s’appliquent aussi aux humains, selon une source proche du dossier qui s’est confiée à Microwave News (MWN), publication new-yorkaise réputée pour sa crédibilité auprès des grands médias.

Encore non publiée, cette étude, la plus ambitieuse jamais entreprise par le NTP, contredirait tous les sceptiques. Elle a coûté 25 millions de dollars et duré plus de dix ans. Le NTP, qui est basé au National Institute of Environmental Health Sciences, tiendra une téléconférence le 27 mai pour expliquer que l’étude a démontré que les rats exposés aux radiations du cellulaire ont développé les mêmes types de tumeurs dont sont atteints les gros utilisateurs du cellulaire à long terme.

Tous les usagers seraient à risque

« Des discussions sont actuellement en cours entre les organismes fédéraux sur la façon d’informer le public sur les nouveaux résultats. Les cadres supérieurs du NTP estiment qu’ils doivent être publiés le plus tôt possible, parce que presque tout le monde est exposé à un rayonnement sans fil tout le temps, et donc tout le monde est potentiellement à risque », a expliqué dans son article du 26 mai Louis Slesin, éditeur de Microwave News.

Les rats ont été exposés pendant deux ans à des radiofréquences produites par les deux technologies de télécommunication cellulaire (Global System for Mobile Communications ou GSM, et Code Division Multiple Access ou CDMA). Leur corps entier était soumis à trois niveaux d’exposition différents (1,5; 3; et 6 W/kg) durant neuf heures par jour et par cycles alternants de 10 minutes d’exposition et de non exposition.

Les rats exposés ont montré des taux plus élevés du gliome, une tumeur maligne des cellules gliales dans le cerveau, et du schwannome malin du cœur, une tumeur très rare. Aucun des rats témoins non exposés n’ont développé de tumeur, ni des souris exposées aux mêmes radiations. Des études épidémiologiques de grande qualité ont déjà révélé que les usagers intensifs du cellulaire (au moins 30 minutes par jour pendant plus de 10 ans) sont plus souvent atteints que la normale du gliome et du neurinome de l’acoustique, un type de schwannome bénin. Il s’agit d’une tumeur des cellules de Schwann qui constituent la gaine de myéline entourant les nerfs du système nerveux périphérique, reliant notamment l’oreille interne aux méninges.

En réponse aux demandes d’information envoyées à la suite de la parution de l’article de MWN, un porte-parole du NTP a expliqué que l’étude était présentement révisée par d’autres experts et a ajouté : « Il est important de noter que des données antérieures basées sur des observations chez des humains dans le cadre d’études sur des grandes populations ont trouvé des preuves limitées d’un risque accru de développer le cancer en lien avec l’utilisation du téléphone cellulaire. »

Confirmation du concepteur de l’étude

Ron Melnick, responsable de l’équipe qui a conçu l’étude du NTP et qui est maintenant à la retraite, a confirmé à MWN les grandes lignes des résultats détaillés par la source confidentielle. « Le NTP a testé l’hypothèse selon laquelle les radiations de téléphonie cellulaire ne pouvaient pas avoir d’effets sur la santé et l’hypothèse a été réfutée. L’expérience a été faite et, après des examens approfondis, le consensus est qu’il y avait un effet cancérogène. Ceci est un problème de santé publique majeur, car les cellules qui sont devenues cancéreuses chez les rats étaient du même type de cellules que celles s’étant développées en tumeurs lors des études épidémiologiques portant sur le téléphone cellulaire. Il serait vraiment incroyable que cela soit une coïncidence. »

Selon Melnick, ces résultats redéfinissent la controverse entourant le rayonnement du téléphone cellulaire. La sécurité des téléphones portables est débattue depuis plus de 20 ans, mais surtout depuis 2011, alors que le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé le rayonnement de radiofréquences (RF) comme cancérogène possible pour l’homme. Les résultats du NTP sont d’autant plus probants qu’ils montrent que plus l’intensité du rayonnement était élevée, plus l’incidence du cancer augmentait chez les rats. « Il y avait une relation dose-réponse significative », selon la source que MWN dit fiable.

Difficile de réfuter une étude fédérale

Cette étude « change le jeu, il ne fait aucun doute » car elle confirme ce que les épidémiologistes observent depuis de nombreuses années, a déclaré à MWN Dr David Carpenter, directeur de l’Institut pour la santé et l’environnement à l’Université d’Albany. « Maintenant, nous avons des preuves chez les animaux ainsi que chez l’homme », explique Carpenter en ajoutant : « Le NTP a la crédibilité du gouvernement fédéral. Il sera très difficile pour les opposants de refuser l’association [entre l’usage prolongé du cellulaire et le risque accru de cancer] encore longtemps. » L’institut où travaille Carpenter est un centre de collaborateurs de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Selon la source de MWN, en raison de l’importance de ces résultats pour la santé publique, le NTP a alerté les plus hauts niveaux des Instituts nationaux de la santé (NIH), où la résistance a incité à faire d’autres vérifications. Aucune grave lacune dans les données ou la conduite de l’étude n’a été décelée. Les cadres supérieurs, y compris Linda Birnbaum, directrice de l’Institut national des sciences de la santé environnementale (NIEHS), une division du NTP, et John Bucher, directeur associé responsable de l’étude, auraient défendu les résultats de celle-ci. Ils voient la nécessité de les publier comme un impératif de santé publique, selon la source.

Le consultant Chris Portier, qui occupait le même poste que Bucher au NTP quand l’étude a été lancée, appuie le NTP. « J’affirme catégoriquement que les données devraient être communiquées au public le plus tôt possible », a t-il déclaré à MWN.

Après de longues discussions, les deux organismes fédéraux chargés de réglementer l’exposition au rayonnement du téléphone cellulaire, la Food and Drug Administration (FDA) et la Federal Communications Commission (FCC), ont été informés des résultats la semaine dernière. On ne sait pas comment ces organismes de réglementation envisagent d’y répondre. Birnbaum et Bucher n’ont pas voulu commenter.

Les façonneurs d’image à pied d’oeuvre

Mais dans un commentaire publié hier sur son blogue, l’expert indépendant Dariusz Leszczynski prévient qu’on ne peut commenter une étude avant sa publication. Et il s’attend à ce que l’industrie du cellulaire et les gouvernements tentent d’en minimiser la portée.

« Mon expérience passée me dit de mettre les prédictions en attente… parce que les façonneurs d’image sont au travail. Ce n’est pas une théorie du complot, mais un fait de la vie. L’énorme industrie des télécommunications a certainement mis immédiatement ses lobbyistes et ses scientifiques associés au travail pour limiter les dégâts et protéger ses intérêts. C’est leur travail et ils seraient irresponsables de ne pas le faire. Toute personne croyant en l’autosurveillance de l’industrie pour le bien de la santé publique est absolument naïve. »

Il ajoute que le fait que le gouvernement américain prépare une réponse ne signifie pas qu’il émettra une mise en garde recommandant de limiter l’usage du téléphone cellulaire. « En 2011, quand le CIRC a classé les radiations du téléphone cellulaire comme cancérogène possible, les Centres for Disease Control (CDC) ont lancé un appel à la précaution qui a été peu de temps après rétracté… après “des discussions” entre les organismes fédéraux. »

Dans le milieu du savoir traditionnel, des médecins, des biologistes, des physiciens, des épidémiologistes, des ingénieurs, des journalistes et des représentants du gouvernement, entre autres experts, ont prétendu qu’il était impossible que l’utilisation du cellulaire puisse être cancérogène. Cette opinion est fondée, en partie, sur l’absence d’un mécanisme selon lequel le rayonnement RF induirait le cancer. Pourtant, plusieurs études ont révélé que les RF provoquent de nombreux effets biologiques favorisant cette maladie, dont la réduction de la sécrétion de la mélatonine par la glande pinéale ainsi que l’oxydation et les dommages à l’ADN.

Plus de détails sur bioinitiative.org et pour pour lire l'article originale en anglais: Report of Partial Findings from the National Toxicology Program Carcinogenesis Studies of Cell Phone Radiofrequency Radiation in Hsd: Sprague Dawley® SD rats (Whole Body Exposures)