mast sunburst4Dans le passé, la technologie jouait un rôle important dans la vie de Marcel Bolli. Il a étudié la mécanique et plus tard, s'est recyclé dans l'informatique. Pendant longtemps, il a eu du plaisir à faire de la moto.

Maintenant, Marcel Bolli n'a ni portable, ni téléphone sans fil, ni Wi-Fi. Cet homme de 38 ans originaire de Schaffhausen est électrosensible. Il ne tolère pas le rayonnement non-ionisant (RNI).

Extrait d'un article par Bettina Dyttrich, Die Wochenzeitung, 24 janvier 2013 (traduction en français par Meris Michaels de Mieux Prévenir)

A tout moment, n'importe où... on paie le prix. La pollution électromagnétique augmente énormément. Les personnes électrosensibles ne peuvent guère habiter en ville. Les médecins donnent l'alarme.
Et le RNI est partout. On n'utilise pas les téléphones mobiles seulement pour appeler ou envoyer les SMS, mais aussi pour surfer sur Internet et télécharger. Bientôt, le Wi-Fi se trouvera dans tous les foyers, de nombreuses villes offriront le Wi-Fi dans les lieux publics pour permettre à chacun un accès Internet partout et à tout moment. Il y a aussi les lignes de haute tension et les câbles électriques des trains.

Par pure crainte ?

La plupart du temps, ça commence avec des sensations de brûlure sur la tête. Puis, la sensation que la partie supérieure du corps se détache. «Une oppression du thorax», comme le décrit Marcel Bolli. «Tout le corps devient agité.» S'il passe plusieurs heures aux endroits largement pollués par le RNI, le soir, ses muscles sont saisis de tremblements incontrôlables. Il ne peut dormir que quelques heures. Le lendemain, il a du mal à se concentrer. C'est pourquoi il évite les villes le plus possible.

Beaucoup de personnes ne prennent pas au sérieux les électrosensibles. On les considère comme des hypochondriaques qui développent des symptômes par crainte du rayonnement de la téléphonie mobile. On les accuse aussi de chercher les raisons de leurs souffrances au mauvais endroit.

Il est clair qu'il y a des personnes qui souffrent de l'exposition aux champs électromagnétiques, dit Yvonne Gilli. Ce médecin et conseillère nationale (Parti Vert) du village de Wil, canton St. Gall, est membre des Médecins en faveur de l'environnement. Depuis des années, elle reçoit des patients qui attribuent leurs symptômes au RNI. Il est important de préciser chaque cas. A cette fin, elle travaille avec des professionnels qui mesurent les champs électromagnétiques chez les patients. «Parfois, la cause des symptômes se trouve ailleurs, d'autres fois, la suspicion est plausible.» Yvonne Gilli mentionne une patiente qui souffre de graves réactions cardiovasculaires et de dépression. Les mesures ont montré qu'elle était affectée par trois antennes mobiles. «Elle a déménagé et a vite récupéré. Et maintenant, elle est en bonne santé

Le médecin croit que la dépression causée par le RNI affecte les personnes indirectement – par exemple par manque de sommeil – et aussi directement, le RNI déclenchant les symptômes : «Le rayonnement altère l'électrophysiologie du cerveau qu'on peut voir par les mesures des ondes cérébrales. Je pense qu'il est plausible que ceci peut altérer la biochimie, même si ce n'est pas avéré. Dans le traitement, une approche orientée vers les ressources est très importante. Dès qu'on peut les aider, même en ce qui concerne les influences troublantes, ils vont mieux.» C'est pourquoi Yvonne Gilli recommande la réduction de l'électrosmog et la diminution du stress partout où cela est possible, des téléphones sans fil aux couvertures électriques. Et aussi, renforcer le métabolisme avec un régime sain et des périodes régulières de repos. Parfois, un traitement avec antidépresseurs est justifié.«Ils agissent sur la dépression liée à la pollution électromagnétique

Des abeilles ariticifielles

Marcel Bolli a stationné sa voiture au cimetière de Schaffhausen. Il habite à proximité du cimetière, à Buchthalen. Bolli utilise deux appareils de mesure : un qui indique si le Wi-Fi est allumé tout près. L'autre, un détecteur d'électrosmog, traduit les fréquences RNI en son. «Cet appareil impressionne beaucoup les gens qui croient que l'électrosensibilité n'existe pas. S'ils l'entendent, ils en prennent conscience parce qu'il y a vraiment quelque chose. L'air du cimentière semble pur. Il n'y a qu'un bruit faible, à peine audible

Sur la route de Buchthalen se trouve un grand immeuble avec une antenne de téléphonie mobile. Le détecteur émet un bruit aigu et désagréable. Au bloc, Marcel Bolli mesure 15 Wi-Fi allumés – son appareil ne peut pas en montrer plus. Le son de la fréquence est plus profond, comme un essaim d'abeilles.

L'ancienne résidence de Bolli est idéale, située dans un vallon qui descend au Rhin. Les antennes ne sont ni visibles ni entendues. Mais même ici, il y a le léger bourdonnement du Wi-Fi.

Tout a commencé il y a 4 ans: Marcel Bolli travaillait dans la radiologie à l'hôpital de Thurgau. Il ne pouvait plus dormir. «Le soir, j'étais mort de fatigue, mais tout à fait éveillé.» Le médecin de famille lui a prescrit des somnifères, sans beaucoup d'effet. Complètement épuisé, il s'est effondré au printemps 2009 et a dû être hospitalisé. Un examen psychiatrique n'a pas fourni d'explications.

Puis, il y a eu une fête à Altdorf, le petit village de Schaffhausen à la frontière allemande où Bolli a passé son enfance. Il est allé chez ses parents et là, il a pu dormir. Il a commencé à réfléchir. «J'ai fait des expériences avec le sommeil.» Se trouvant sur une alpe au-dessus du Lac Walen, un endroit sans réception cellulaire, il dort mieux que pendant des années. «A l'hôpital de Thurgau, toute la communication interne passe par téléphones sans fil. C'est utile, mais il faut énormément de points d'accès, souvent plusieurs par salle.» Au travail, sa tête brûle comme étant exposée à trop de soleil. Des taches rouges se forment. «Le dermatologue trouve cela assez troublant» rapporte Bolli. Un autre travail à Schaffhausen n'apporte aucun soulagement. En automne 2009, les acouphènes commencent à le tourmenter. Aujourd'hui, il habite Altdorf chez ses parents et travaille indépendamment comme informaticien. Il dort sous un baldaquin de coton, tissé avec des fils métalliques fins qui le protège de la plupart du rayonnement.

Peter Schlegel, de l'association Bürgerwelle qui soutient les électrosensibles, connait des dizaines de personnes comme Marcel Bolli. Il est estimé que 10 à 15 % de la population est électrosensible, à différents degrés. «Le rapport de cause à effet n'est pas clair. Beaucoup de personnes souffrent pendant des années et éventuellement découvrent par accident que la pollution électromagnétique en est l'origine

Merci au Rhin

«Ici, la charge est massive» constate Marcel Bolli, se promenant dans les rues de la vieille ville de Schaffhausen. Probablement, il y a beaucoup de systèmes sans fil dans les bureaux et les magasins. «Maintenant, je le sens sur la tête». Sur le chemin, Bolli perd le fil de la conversation : «Je ne me rappelle pas ce que je voulais dire.» Le rayonnement le distrait tellement qu'il ne veut presque plus conduire. Il y a renoncé pendant un certain temps.

L'eau courante l'aide. En été, il se baigne presque chaque soir dans le Rhin. Après, il dort mieux. Maintenant, en hiver, il passe 10 minutes sous la douche avant de se glisser sous son baldaquin. Cela soulage la sensation de brûlure sur la tête. Parfois il rêve d'une maison dans une vallée reculée où le rayonnement ne pourrait pas l'atteindre. Il aimerait devenir vigneron. Le travail physique lui plaît. «Mais il faut aller à l'école pour apprendre. La charge sur la route est trop élevée, et là-bas, il y aurait certainement du Wi-Fi. Donc, je ne peux pas

Des scientifiques lancent un avertissement

Vingt-neuf chercheurs lancent un avertissement : «Nous sommes des systèmes bioélectriques. Les champs électromagnétiques artificiels peuvent influencer les processus fondamentaux du corps humain.» Il y a assez de preuves que ces champs peuvent être nocifs.

Des scientifiques venant de 10 pays ont élaboré un recueil de recherches sur le rayonnement non ionisant. Fin décembre 2012, ils en ont publié les résultats dans le deuxième «BioInitiative Report». Ce document de 1'500 pages n'est compréhensible que par des professionnels, mais les conclusions sont destinées au grand public. Parmi les risques sanitaires, à part le cancer, figurent une susceptibilité accrue à l'autisme chez l'enfant et des effets sur les foetus, le métabolisme, le système immunitaire et le fonctionnement du cerveau.

Depuis la publication du premier rapport du BioInitiative en 2007, la situation s'est aggravée. Beaucoup de personnes sont involontairement exposées au rayonnement, même celles qui ont fait le choix de ne pas utiliser les systèmes sans fil. On ne peut guère l'éviter. «Un tsunami sans fil» est nécessaire pour revenir à des moyens de communication moins nocifs. Pour presque toutes les applications sans fil, il existe des solutions filaires.

Article original en allemand: http://www.woz.ch/1304/elektrosmog/todmuede-aber-hellwach